Chapitre 132 : Apprendre à voler

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 — Serre les jambes et penche-toi plus en avant ! conseilla Rael d'une voix forte.

— Penche-toi sur le côté pour tourner ! ajouta Telak.

— Ne te casse pas la gueule ! compléta Elyazra.

Dans les airs, Syara tentait tant bien que mal d'appliquer les consignes que ses compagnons lui donnaient, mais après seulement quelques secondes, elle finit par ne plus en respecter aucune. Trop penchée en avant et les jambes écartées, elle tomba en piqué vers le sol et s'écrasa dans l'un des buissons qui décorait le jardin du palais.

Les fées qui s'y baladaient la regardaient se relever avec difficulté. Elles étaient partagées entre étonnement et amusement. Ça n'était pas tous les jours qu'elles avaient l'occasion de voir une créature sans aile essayer de voler.

— Je n'y arriverais jamais, se découragea-t-elle.

Une fois de plus, Syara fut surprise par sa voix étonnamment grave. Elle s'était endormie en tant que femme et s'était réveillée sans poitrine et avec quelque chose entre ses jambes. Les traits de son visage s'étaient quelque peu durcis, mais heureusement, elle avait plus ou moins gardé la même corpulence.

Ce changement la troublait bien plus qu'elle ne voulait l'admettre, elle avait tout simplement l'impression de ne pas être dans son corps. Pourtant, la beast avait fait au mieux pour cacher son anxiété et avait demandé au plus vite un entraînement à la voltige.

Vu que la première épreuve était une course aérienne et que sa transformation ne lui avait pas donné d'ailes, elle devait faire avec un sort de vent pour avoir une chance de l'emporter. Les autres avaient déjà réfléchi à cette question pendant qu'elle était endormie et avaient convenu que la meilleure solution était que ce soit Rael qui s'occupe du sort, sa maîtrise du violon n'étant pas encore assez bonne pour la laisser faire seule.

C'est donc sous les conseils du mage d'air et du démon habitué à voler, ainsi que ceux un peu moins constructif la demi-dragonne qui s'amusait beaucoup trop de la situation pour la lâcher ne serait-ce qu'une seconde que l'entraînement avait débuté. Elyazra n'avait d'ailleurs eu de cesse de lui répéter qu'elle, ou plutôt il, était parfaitement son type d'hommes. Son ton exagéré et le fait qu'elle le dise toutes les cinq minutes montrait qu'elle n'était pas sérieuse, mais cela suffisait amplement pour énerver Syara.

Tout en se frottant l'épaule sur laquelle elle s'était réceptionnée, Syara se rapprocha du groupe en grimaçant. Après une dizaine d'essais, elle n'arrivait toujours pas à se maintenir convenablement en l'air et à se diriger comme elle le voulait.

— Tu y es presque, l'encouragea tout de même Rael. Je peux t'assurer que je n'arrivais pas à en faire autant en si peu de temps lorsque je m'y suis mis.

— Peut-être, mais toi, tu n'étais pas pressé par le temps. Il ne me reste que deux jours !

— Courage ! J'aime les hommes persévérants, rit Elyazra.

Exaspérée, la beast ne répondit même pas à la demi-dragonne et se focalisa sur ceux qui pouvaient réellement l'aider. Si l'elfe prodiguait beaucoup de conseils, Telak, lui, se contentait d'en distribuer quelques-uns de temps en temps. Ça n'était pas parce qu'il ne voulait pas aider, mais le vol avec des membres faits pour ça et le vol par la magie étaient différents. Il ne voulait donc pas lui donner de fausses informations qui ralentiraient sa progression.

— Tu y es presque, le plus dur est fait. Tu arrives à monter et te stabiliser en l'air. Pour le déplacement, tout se passe principalement au niveau des épaules et des jambes. Tourne tes épaules pour te diriger, fait les aller en avant ou en arrière pour descendre ou monter et tend tes jambes serrées et bien droites pour accélérer.

— Ça me semblait tellement facile la dernière fois, souffla-t-elle.

— Comment ça la dernière fois ?

— C'était après notre première mission, lorsque je ne me sentais pas bien. Je me suis retrouvée dans le violon et j'y ai affronté la chose. Je n'ai rien pu faire contre elle, mais en essayant de m'enfuir, j'ai invoqué un sort de vent et je me suis mise à voler comme si j'en avais toujours été capable.

— C'est parce que l'espace dans lequel tu te trouvais répondait à tes désirs, fit une voix derrière elle.

Surprise, Syara se retourna et vit Shay. Malgré son ouïe fine, elle ne l'avait pas entendu arriver ce qui, pour elle, relevait d'un exploit. Le dragon n'était pas venu lui donner des conseils et avait ajouté que Telak et Rael seraient amplement suffisants alors que faisait-il ici ?

Sans dire un mot, il posa ses mains sur les tempes de la beast et ferma les yeux. Totalement immobile, Syara se mit à revivre le combat perdu d'avance qu'elle avait livré contre l'être maléfique du violon. Elle sentait sa peur, sa détresse, mais aussi sa confiance en ses pouvoirs et cette impression d'être capable de tout. Vint le moment où elle s'était retrouvée bloquée par un mur de flamme. Son violon en main, elle avait rapidement joué une mélodie rapide et aiguë qui lui avait permis de s'envoler. Lorsque le dragon retira ses mains, la violoniste retrouva ses esprits et haleta.

— Tu t'en souviens à présent ?

— Oui.

Lors de sa fuite, son corps avait instinctivement adopté la meilleure position pour échapper au monstre. Revoir et sentir de nouveau ces mouvements lui avait redonné espoir. Elle en avait été capable ce jour-là, et ce, grâce au violon. Elle y arriverait aujourd'hui sans cette aide.

— Si tu as besoin d'encouragements supplémentaires, regarde par là, dit Shay en pointant le palais du doigt.

Syara tourna la tête et vit, à une fenêtre, que quelqu'un les observait. De là où elle était, cette personne n'était qu'une silhouette, mais même les yeux fermés, elle aurait reconnu ce regard qui se posait sur elle. Phi était là, enfermée dans sa chambre et regardait la seule personne capable de la sortir de l'enfer dans lequel son père l'avait mise.

Son courage retrouvé, la beast se tourna de nouveau vers ses compagnons et leur jeta un regard déterminé.

— On y retourne, décida-t-elle.  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant