Chapitre 193 : Pause habituelle

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 Trois jours s'étaient écoulés depuis que Syara et ses compagnons étaient revenus de Céol. Une fois de plus, elle avait dû dire au revoir à son meilleur ami, mais elle avait au moins pu le faire en bonne et due forme. Savoir qu'il avait su se relever malgré son échec pour devenir mage l'avait rassuré et elle était finalement heureuse pour lui qu'il ait réussi à se construire une vie où il semblait épanoui.

De retour à Léfarène, et même s'ils n'avaient pas eu à forcer cette fois-ci, la pause d'une semaine habituelle entre deux missions avait été décidée à l'unanimité. Au moins, leur problème d'argent était réglé pour le moment grâce à leur intervention à l'ancienne école de la violoniste. Ils pouvaient même se permettre d'en profiter un peu et faire quelques écarts sans être inquiétés.

Autre chose appréciable, Phi n'avait plus besoin de se cacher du reste du monde et accompagnait Syara partout, à la vue de tous, en se faisant passer pour une simple humaine. La jeune fée ne retrouvait sa forme originelle qu'au moment d'aller se coucher. La seule conséquence fâcheuse à cela était qu'elle tombait de fatigue le soir à cause de l'énergie que demandait le sort d'agrandissement et de camouflage de ses ailes.

Cela avait d'abord inquiété ses amis qui vivaient avec elle, mais après un rapide examen de la part de Shay, il apparaissait qu'une nuit de repos était plus que suffisante pour régénérer toute l'énergie qu'elle consommait chaque jour. Rassurée que cela n'impacte pas sa santé, Syara laissa Phi utiliser ces sorts sans restrictions, même lorsqu'elle ne se trouvait qu'en présence de personnes qui connaissaient sa vraie nature.

Pour la jeune fée, rencontrer Fos avait été une véritable délivrance. Elle aimait pouvoir voler où elle voulait, mais préférait de loin se trouver auprès de ses amis et pouvoir échanger avec eux sans que la présence de Rael ne soit nécessaire.

Pendant ces trois jours, Syara avait pu constater que ne pas pouvoir parler en public avait dû être désagréable pour elle et comprenait à présent ce sentiment de frustration qu'elle ressentait. Avec un amusement non dissimulé, la beast satisfaisait la curiosité de son amie qui la bombardait de questions à chaque fois qu'elle voyait quelque chose qui lui était inconnu.

Après tout, elle avait passé la majeure partie de sa vie enfermée dans un palais et le reste seule en pleine nature. Elle ne connaissait donc presque rien de la civilisation créée par les autres races et voulait en voir un maximum pour prendre le meilleur et améliorer son royaume le jour où elle déciderait de reprendre sa couronne.

Ce troisième jour, Syara avait encore plus de mal à se contenir pour ne pas rire. Le bac de conservation étant vide, elle, Guard et Phi s'étaient rendus au plus grand marché à ciel ouvert de Léfarène. Sous les regards amusés des commerçants, la jeune fée allait de stand en stand, les yeux remplis d'étoiles tandis qu'elle découvrait toutes les merveilles que l'on pouvait trouver ici.

— C'est dans ce genre de situation que l'on voit qu'elle n'est encore qu'une enfant, commenta Guard en gardant un œil sur elle tout en faisant les courses.

— Tu en as ? questionna la beast.

— Quoi ?

— Des enfants, précisa-t-elle. Quand je te regarde la surveiller, j'ai l'impression de voir un père avec sa fille.

— Si seulement je le savais, souffla-t-il. Je n'ai aucun souvenir de ma vie avant que je ne devienne un bandit.

— C'est vrai que tu es amnésique, se rappela la violoniste. Tu n'aimerais pas savoir qui tu étais ? Peut-être que Shay pourrait t'aider.

— Je suis partagé. D'un côté, oui, je suis curieux, mais d'un autre, je me dis que cela ne me plairait peut-être pas. Si j'ai des enfants, cela veut dire que je les ai abandonnés. Ou bien j'étais quelqu'un de mauvais. Lorsque j'ai rencontré Ely, elle m'a épargné parce qu'elle avait trouvé notre combat distrayant, mais j'ai toujours su me battre. Si ça se trouve, j'étais un meurtrier ou un bandit qui, contrairement au groupe dans lequel j'étais, n'hésitait pas à tuer pour avoir ce qu'il voulait.

— Ou bien tu faisais partie d'une guilde de non-mage qui accomplissait des missions dangereuses et volait au secours de personnes en danger.

— Dans le doute, je préfère ne rien savoir, conclut-il.

— Ça va peut-être t'étonner, mais je te comprends. Parfois, j'aimerais ne plus me souvenir d'une certaine partie de ma vie.

Alors que Syara payait pour ses courses, Phi revint vers eux à toute vitesse et les prit par la main tout en tirant légèrement pour les inciter à la suivre.

— Venez, il y a un spectacle là-bas ! s'exclama-t-elle joyeusement en tirant un peu plus.

— Du calme, rit la beast. Il y en a toujours ici.

— Mais on va rater le début de celui-là !

La remarque enfantine de Phi et son insistance amusait beaucoup Syara et Guard. Ils avaient l'impression que rater le début de ce spectacle de rue était pour elle similaire à une véritable catastrophe.

Les tenant toujours par la main, la jeune fée les emmena jusqu'au plus près de la foule qui commençait à se masser devant la petite estrade. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle les lâcha pour pouvoir se faufiler plus facilement jusqu'au premier rang sans même se soucier que eux ne pouvaient pas en faire de même.

— Tout compte fait, je ne pense pas que le fait qu'elle tombe de fatigue le soir soit dû à ses sorts de transformation, rit la violoniste.

— Cet enthousiasme apporte un brin de fraîcheur à notre groupe, commenta le satyre. En plus, contrairement à Ely avec l'alcool ou toi avec la nourriture, ça ne nous coûte presque rien.

Face à cette remarque sur elle, Syara lui donna un léger coup de poing dans l'épaule, réaction qui le fit d'autant plus rire. Il ne savait pas s'il avait eu une famille par le passé, mais aujourd'hui, il était heureux d'avoir trois filles toutes aussi immatures les unes que les autres, mais dans des domaines différents.

Alors que le spectacle commençait, Guard observa plutôt les environs pour trouver le prochain stand où il irait faire ses courses. Cependant, quelque chose d'autre attira son attention.

— Regarde, indiqua-t-il à Syara, tout sourire perdu.

Suivant des yeux la direction qu'il pointait, la beast tomba sur un bar qu'ils fréquentaient souvent. Sur un panneau placé devant, un écriteau indiquait « Grand concours de boisson ! Le gagnant bois à l'œil ! »

— Il ne faut surtout pas qu'Ely voie ça, annonça gravement Syara.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant