Chapitre 127 : Un entretien tendu

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 Une fois Phi partie, le roi se tourna vers les autres personnes qui se présentaient devant lui et leur lança un regard tout aussi dur qu'il avait jeté à sa fille lorsqu'il l'avait frappée. Devant Syara, Shay tendait discrètement sa main dans sa direction pour lui intimer de ne pas intervenir. Ça n'était pas facile pour elle. Comment un père pouvait-il agir de la sorte alors qu'il n'avait pas vu sa fille depuis plus d'un an ? Les poings serrés jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la chaire, elle se contenait tant bien que mal tout en se disant que son comportement était similaire à celui de sa propre mère. Cette comparaison ne l'aidait cependant pas à se contenir et l'énervait encore plus.

— Qui êtes-vous ? lança le roi avec un ton glacial.

— Mon nom est Shay, gardien suprême des partitions d'Atéa, répondit le dragon, même si le héraut l'avait déjà annoncé.

— Il n'y a rien pour vous ici. Fichez le camp !

Visiblement, le roi irritait aussi le dragon qui se mit aussi à serrer les poings. Pour avoir assisté aux pouvoirs de Phi, Syara savait qu'elle pouvait contrer les flammes d'une demi-dragonne, mais qu'en était-il d'un véritable dragon ? Le roi se sentait-il vraiment en position de supériorité pour envoyer ainsi balader une créature aussi puissante ?

— Il y a de cela mille ans, un fragment des partitions d'Atéa vous a été confié. Suite à cela, un traité a été signé entre votre royaume et les gardiens et stipulait que si l'un d'eux venait, il devrait être accueilli avec tous les égares dus à son titre et le fragment devrait lui être remis. Un non respect de cette dernière règle pourrait entraîner une guerre entre les deux partis. Alors baissez d'un ton lorsque vous vous adressez à nous ou votre règne pourrait bien s'achever aujourd'hui !

— Vous osez me menacer dans mon propre palais ?

— J'ai arpenté les couloirs de votre palais bien avant votre naissance et je les arpenterai bien après votre mort. Pour moi, vous n'êtes pas le roi de ce royaume, vous n'en êtes qu'un parmi tant d'autres. Un conseil, ne sous-estimez pas le pouvoir des gardiens, surtout lorsque leur chef se trouve ici, finit-il en pointant Syara du doigt.

Surpris, le roi tourna la tête vers la violoniste et remarqua le regard noir qu'elle lui lançait. Il sembla soudainement se calmer et se rassit sur son trône avant d'appeler un garde à qui il chuchota quelque chose.

La fée en armure sortit alors de la salle et un silence pesant s'installa. Le roi ne disait rien, le groupe non plus. Même la cour restait totalement silencieuse et immobile telle une armée de statue. Après quelques minutes qui parurent interminables pour tout le monde, le garde revint avec un cylindre doré dans les mains. Il s'approcha de Shay et lui tendit l'objet.

— Voilà, vous avez ce que vous cherchez, maintenant, allez-vous-en.

Le dragon dévissa le couvercle et en sortit un parchemin qu'il déroula devant lui. Après un regard furtif sur la partition, il la rangea et referma le cylindre pour la mettre à l'abri, puis fit demi-tour pour quitter la grande salle, immédiatement suivi par le reste du groupe.

Cependant, Syara ne comprenait pas. Et Phi dans toute cette histoire ? Étaient-ils en train de l'abandonner ou cela faisait-il partie de son plan ? Tandis qu'ils quittaient à présent le palais, la beast avait de plus en plus de mal à se contenir. En haut des marches, la sentinelle qui les avait escortés vint à leur rencontre.

— Vous avez ce pour quoi vous êtes venus, alors maintenant, partez et ne revenez plus jamais ici.

Cette fois, s'en était trop ! Plan ou pas, personne n'avait le droit de lui ordonner de ne plus revoir une amie. Tout en prenant son élan pour y mettre toute sa force, la beast enfonça son poing dans le visage de la sentinelle qui s'écroula par terre.

Syara s'attendait à se faire maîtriser par ses amis ou tout du moins se faire réprimander pour ce qu'elle venait de faire, mais lorsqu'elle se retourna, elle ne vit que des sourires qui illuminaient leur visage.

— Tu en as mis un temps ! s'exclama Elyazra. À un moment, j'ai même cru que tu allais leur laisser Phi.

— Alors c'était ça ton plan ? Attendre qu'on me pousse à bout ?

— Je savais que ça arriverait à un moment ou à un autre, expliqua Shay. Cependant, comme ma propre mission ne concerne pas Phi, je me devais de te retenir jusqu'à ce qu'ils me remettent les partitions. Maintenant, je te laisse faire. À toi de jouer.

— On est avec toi, la soutint Rael.

Avec une détermination retrouvée, Syara fit demi-tour et retourna dans le palais. Le héraut se tenait exactement au même endroit que la première fois et arqua un sourcil lorsqu'il les vit venir vers lui.

— J'ai interdiction de vous ouvrir, ordre du roi.

— Ha oui ? J'ai une autre proposition pour toi. Ouvre cette porte ou je retrouve ma taille normale et je t'arrache les ailes !

L'expression sérieuse de la jeune femme et le regard noir qu'elle lui lançait montrait qu'elle était tout à fait sérieuse. Le héraut déglutit en imaginant une géante lui tirer les ailes jusqu'à ce qu'elles ne se détachent de son dos, puis ouvrit la porte lorsque cette vision devint insoutenable.

Syara n'attendit même pas que la porte soit assez ouverte pour la laisser entrer et donna un puissant coup de pied dans le battant pour l'ouvrir en grand.

— Mais qu'est-ce que...

D'un pas rapide, Syara s'approcha du trône du roi. Les gardes qui essayèrent de s'interposer furent immédiatement stoppés par un mur de flammes noires d'un côté, blanches de l'autre. Plus ils tentaient de passer au-dessus en prenant leur envol et plus les murs s'élevaient pour ne pas les laisser interférer.

Des cris s'élevèrent chez les fées de la cour, mais aucune d'entre elles n'osaient bouger de peur de finir incinérées. Le roi, voyant que Syara montait à présent les quelques marches qui les séparaient, s'entoura d'un halo doré semblable à celui qu'avait utilisé Phi pour se protéger des flammes d'Elyazra.

Cet imbécile égoïste n'avait même pas pensé à protéger la reine dans son cocon. Celle-ci était tout aussi terrifiée que les autres, mais ne disait rien et était incapable de bouger. Armant de nouveau son poing, la beast frappa la protection qui ne résista pas et se brisa sous le coup. Elle se saisit ensuite du roi en le prenant pas le col et rapprocha son visage au plus près du sien.

— Maintenant, vous allez me dire où se trouve Phi et ce que vous comptez lui faire !  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant